30 mai 2007

Les fondateurs

Il y a dix ans, un groupe de vétérans canadiens est revenu en Normandie. Ils avaient participé au débarquement et désiraient faire le tour des villages normands que les Canadiens avaient libérés le matin du 6 juin 1944. Lors de ce voyage, ils se sont aperçus qu'aucun musée n'existait pour rappeler que les Canadiens avaient pris part au débarquement. Pire, aucun musée en Europe était consacré à la participation canadienne à la Seconde guerre mondiale.

Ils sont revenus au Canada bien déçus et ont décidé, à 75 ans, de créer un musée. Initialement, l'idée était d'ériger un petit centre interactif, orienté principalement vers l'éducation des enfants, où les visiteurs auraient pu faire des recherches sur des ordinateurs. Ces vétérans et leurs familles étaient dirigés par un vétéran, Garth Webb, et par sa conjointe, Lise Cooper.

Alors qu'entreprendre une campagne de financement d'une telle ampleur aurait pu mettre des années à se concrétiser, ils ont réussi à amasser 12 millions de dollars canadiens en quelques années. Inauguré en grandes pompes il y a quatre ans, lors du 59eme anniversaire du débarquement de Normandie, le centre est avant tout un lieu d'apprentissage et de commémoration et non un musée sur la guerre. Les enfants l'adore et j'ai même lu hier dans le livre d'Or ce commentaire d'un enfant "I normally hate museums but this one definitely changed my mind."

Comme ce sont les vétérans qui sont à l'origine de la création du centre, ce dernier est privé. C'est en fait un organisme à but non-lucratif, géré par un conseil d'administration où siègent Lise, Garth et deux des enfants de Lise. Beaucoup de visiteurs arrivent de Vimy, où c'est gratuit pour les Canadiens puisque c'est le fédéral qui gère le lieu, et ne comprenent pas pourquoi ils ne reçoivent pas une entrée gratuite. Même chose pour les vétérans: les vétérans et veuves de guerre de la Seconde guerre entrent gratuitement, mais les vétérans d'autres guerres ont un tarif réduit, pas la gratuité. On essaie de faire un point d'honneur de mentionner au gens que comme c'est un musée privé, c'est les tarifs d'entrée et les dons qui nous permettent d'exister. Si c'était gratuit pour tout le monde.... Comme moyen de financement, le musée vend des briques bleues: on peut y écrire son nom, ou celui de quelqu'un qui aurait participé à la guerre. (Sur la photo en haut, les briques sont sur les colonnes bleues à gauche de la statue).

La cause est excellente et les moyens d'y parvenir très honorables. Mon employeur n'est pas le fédéral et il ne fait pas de profit de ses activités. Outre l'aspect historique et éducatif, l'intention était aussi d'amener un peu du Canada en sol Normand, et notre présence s'inscrit donc dans cette logique.

Garth et Lise étaient en visite il y a deux semaines et ils sont venus passer la soirée à la Maison des guides. Ils ont 86 ans maintenant et sont vigoureux comme jamais. Garth a passé la soirée a faire des blagues et il était heureux comme tout d'apprendre à nous connaître. C'est d'ailleurs lui qui a insisté pour que ce soit des jeunes canadiens qui soient les guides au musée et non pas des français comme dans tous les autres musées. C'était vraiment inspirant pour nous de pouvoir parler avec eux. Cela a, dans mon cas, immortalisé et concretisé ma présence ici.

Le lendemain, une cérémonie spéciale se tenait au CJB. Une école secondaire de la région effectuait un échange scolaire avec une école au Québec et les jeunes avaient acheté deux briques et allaient honorer la mémoire de 2 soldats de leur région. Pour cette journée, tous les guides étaient en poste et les employés permanents avaient prévu un horaire spécial pour ce groupe particulier. Comme Lise et Garth y prenaient part, il était primordial que tout se déroule bien.

Le groupe d'une soixantaine d'élèves arrivent en matinée. Première erreur, le professeur avait insisté pour avoir la présentation de Mario. Mario est un soldat qui s'adresse normalement à des enfants de 10 ans. Ces jeunes avaient 17-18 ans alors imaginez un peu leur tête. Puis, ils vont dans le musée. En 20 minutes, ils ont fait le tour et fume des cigarettes à l'extérieur. ?? Normalement, les groupes scolaires restent minimum une heure à l'intérieur et ça c'est justement lorsqu'ils ont 10 ans. À ce moment, on commence sérieusement à se poser des questions sur l'intérêt que ces jeunes portent au musée. Tout leur voyage était axé sur cette cérémonie de commémoration, et pardonnez l'expression, mais tout le monde au CJB s'était fendu le cul pour que tout se déroule bien.

Je me dis, AH, je vais les rattraper lors de la visite de plage. Je pars donc avec un groupe de 20 filles, moitié française, moitié québécoise. Malheureusement, au bout de cinq minutes, je me dois de constater que je n'ai l'attention que de 3 de ces filles alors que toutes les autres placotent, se regardent les ongles ou ne m'écoutent simplement pas.

Mesdemoiselles, si ce que je dis ne vous intéresse pas, vous pouvez retourner au musée. Par contre, si vous restez ici, je vous demanderai de garder le silence.

Le simple fait d'avoir à dire ça à des jeunes pour qui nous nous sommes donné un trouble immense et qui, de surcroît, devrait être intéressés par la visite de par la cérémonie spéciale organisée pour et par eux me fait voir bleu. Alors que j'aurai pu arrêter après les avoir simplement rabrouées, je ne fais ni une ni deux et me lance dans ce qu'on appelle entre guide le Guilt Speach.

Si ce n'est pas pour moi ou pour vos autres camarades, gardez le silence par respect pour les vétérans qui ont fondé ce centre. C'est un mémorial ici, et en ce moment, non seulement vous insultez les vétérans, mais vous bafouez la mémoire de tous les soldats qui sont décédés à la guerre et en l'honneur de qui ce musée a été construit.

Silence.

Je n'avais jamais eux à faire cette sortie avec un groupe parce que normalement, les gens sont intéressés. Mais j'étais tellement insultée par l'attitude condescendante de ces filles que j'ai continué ma visite en serrant les machoires. Après cinq minutes, elles s'étaient remises à placoter en restant un peu à l'écart, mais comme j'avais l'attention de 4 ou 5 filles de plus, ça me contentait. Les plus irrespectueuses étaient en fait les québécoises alors que la plupart des françaises m'écoutaient. Lorsque nous sommes arrivées sur la plage, il me restait environ 5 minutes de visite à faire. C'est la partie la plus intéressante, celle où on décrit le débarquement. Mais bon, les caméras sont sorties des sacoches et mesdames ont préféré faire une session photo. J'ai coupé court, et je suis revenu à l'intérieur fulminante.

Alors que nous étions en train de partager nos horribles expériences avec ce groupe insupportable, nous avons entendu le professeur québécois invectiver ses étudiants pour leur attitude. Lorsque j'ai quitté la plage, il paraît que les françaises sont tombées sur les québécoises et leur ont passé un savon pour leur attitude détestable. Ce fut mon seul réconfort de la journée. La cérémonie s'est somme toute bien déroulée. Avec chance, Garth et Lise n'ont rien vu de tout cela, mais nous, on rumine encore.

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