15 juill. 2007

Dieppe - deuxième partie

voir Dieppe - première partie.

0445
Aux petites heures du matin, 6000 soldats prennent d'assaut les plages de Dieppe. 5000 parmi eux sont des soldats canadiens, aidés de 1000 britanniques, de 50 troopers américains et de 20 français du commando Kieffer. Parmi les régiments canadiens se trouvent entre autres le Black Watch de Montréal, les Fusiliers Mont-Royal et le Royal Régiment of Canada, de Québec.

Les péniches de débarquement approchent de la plage, et certaines rencontrent par hasard une patrouille allemande. L'échange de feux s'ensuivant sonne l'alerte dans les positions de défenses allemandes se trouvant près de l'altercation. L'effet de surprise est perdu et les Alliés doivent composer rapidement. À l'approche de la plage, les péniches de débarquement doivent traverser un écran de fumée, servant à les camoufler lors de l'approche. It was only when you got to the beach and came out of the smoke... that you realised you had landed in Hell. Soldat Jack Poolton.

Sur la plage, les soldats tentent aussi bien que mal d'atteindre un endroit sûr pour se cacher. Le feu allemand pilonne les péniches de débarquement et la première vague de débarquement subi des pertes énormes. La plupart des hommes n'auront même pas le temps de répliquer avant d'être tués ou blessés. Le feu ennemi est tellement nourri que certains soldats du Royal Regiment of Canada refusent carrément de quitter la péniche de débarquement à la vue du sort réservés à leurs amis sur la plage. Les officiers de la Marine les forçeront à prendre part au combat à la pointe de leurs fusils. Dans certaines péniches de débarquement, les hommes sont pilonnés et abattus avant même de sortir, et leurs corps s'empilent sur la porte de la péniche.

"On no other front have I witnessed such carnage. It was brutal and terrible and shocked you almost to insensibility to see the piles of dead and feel the hopelessness of the attack at this point." (Dieppe 1942)

Sous le coup de la peur, certains conducteurs de péniches délaissent leurs soldats dans plusieurs pieds d'eau, forçant souvent les soldats à sauter de la péniche en retraite. Pateaugeant dans l'eau, les hommes doivent rapidement prendre refuge. Les soigneurs n'ont pas le temps de recoudre les blessés que de nouvelles balles atteingnent ces derniers.

0535
le raid dure depuis presque une heure. L'écran de fumée cache encore la bataille et les officiers n'ont aucune idée de ce qui se passe sur les plages de Dieppe. Ne recevant pas le signal convenu pour lancer les troupes de renforcement, certains officiers prennent la décision de lancer les deuxièmes et troisièmes vagues d'assaut. Ces dernières se jetteront dans la gueule du loup, les péniches n'ayant pas encore atteint la plage et la plupart des soldats étant atteints par les tirs ennemis.

"I'll always remember seeing all these dead men lying at the edge of the water. The tide was washing up and going out and the water was bloody red. Bodies were rolling in and out with the tide and the Germans were firing at them all day long because they thought they were alive." (Dieppe 1942)

À la demande des troupes massées sur la plage, les destroyeurs effectuent des tirs en direction des bunkers allemands. Malheureusement, ces tirs atteignent pour la plupart les collines sous lesquelles les soldats prennent rempart, égrennant la roche qui s'affaise sur les soldats. Le massacre de Dieppe suit son court.

Des problèmes de communication feront en sorte qu'aucune nouvelle du massacre n'atteindra le commandement allié avant 0700, avec une demande d'évacuation massive des troupes du secteur Blue. À 0830, ce qui reste du Royal Regiment se rend à l'ennemi.

0605
Devant la ville, les tanks Churchill prennent d'assaut la plage. Cependant, dès que les tanks manoeuvrent pour avancer, les galets de la plage se prennent dans leurs chenillettes et les cassent, laissant les blindés sans défense. Détectés, les tanks seront immobilisés et détruits les uns après les autres par l'artillerie allemande. Les troupes d'infanterie devront procéder sans le support des blindés.

Le peu d'hommes qui réussissent à atteindre la ville doivent réussir à pénétrer malgré les blocs qui bloquent l'entrée de la ville, tout en subissant le feu des tireurs allemands. Le commandement allié reçoit à ce moment le message suivant: "Essex Scottish across the beach and in houses". L'une des pires erreurs militaires de la Seconde guerre sera causée par la réception de ce message optimiste, alors que le commandement allié lançe le régiment de réserve, les Fusiliers Mont-Royal, à l'assaut de Dieppe.

0845
La bataille perdure dans le secteur Green, près de Pourville. Pourtant, les tanks qui devaient supporter les Camerons Highlanders ne sont jamais arrivés, la plupart ayant été débarqués à quelques kilomètres du lieu prévu. Les hommes combattent avec leurs fusils et leurs mitraillettes et sentent que la fin approchent. À 1000, l'ordre d'évacuation est lancé et à 10h50, l'évacuation générale est mise en branle.

1100
Bien que plusieurs ordres d'évacuation aient été donnés auparavant, les péniches n'arrivent pas à approcher de la plage assez pour permettre l'évacuation des soldats et des blessés. Pourtant, le plan initial d'évacuation prévoyait que les bateaux reviendraient chercher les soldats et les tanks. Le peu de flexibilité de ce plan allait certainement contribuer au désastre qui s'ensuivrait.

Les quelques barges ayant atteint la plage repartent non pas remplies de blessés tel que prévu, mais remplie à ras-bord de soldats tentant désespérément de fuir cet enfer. Du haut des falaises, les Allemands tirent sur ces péniches, tuant une bonne part d'hommes et coulant certains bateaux. Certains soldats se lancent à l'eau et tentent de rejoindre les bateaux à la nage, mais plusieurs se noient, épuisés. La marée montante engloutit les blessés restés sur la plage.

Des 6000 soldats participant au raid, seulement 2000 seront évacués vers l'Angleterre. 1900 prisonniers canadiens passeront le reste de la guerre en prison, et 900 canadiens seront tués. Dans l'histoire militaire canadienne, de nombreuses opinions se sont opposées et les critiques furent nombreuses. Était-il vraiment nécessaire d'envoyer les troupes canadiennes à Dieppe? Furent-elles utilisées comme chair à canon? Et dans l'histoire québécoise, le raid de Dieppe a souvent été perçu comme le sacrifice inutile de troupes franco-canadiennes.

Pourtant, à la base du raid de Dieppe se trouvait la planification, mauvaise soit, d'un raid qui allait permettre à la plus grande invasion de l'histoire militaire de prendre part, plus important encore, de réussir. Bien que le coût en vies canadiennes ait été beaucoup trop élevé, on constate qu'il ne s'agissait pas d'actions calculées mais bien d'erreurs. Informations manquantes, planifications trop serrées et n'accordant pas de marge de manoeuvre aux troupes, communications déficientes; tout ces facteurs allaient mener au massacre de Dieppe. Il ne s'agissait pas d'utiliser des troupes coloniales, ni des troupes francophones, ni de sélectionner quelque nation que ce soit pour une mission-suicide. Il s'agissait tout simplement de l'optimisme et de l'aveuglement de quelques officiers alliés envers une mission qui n'aurait jamais dû être entreprise après l'annulation de l'Opération Rutter, un mois auparavant.

Pourtant, ces erreurs nous permirent d'apprendre de valables leçons pour l'invasion de la Forteresse Europe en juin 1944. L'idée de prendre d'assaut les plages de Normandie et non un port vint en tête des Alliés, tout comme la construction du port artificiel d'Arromanches pour remplacer un port qu'il aurait été trop ardu de capturer par nous-mêmes. Les Alliés comprirent aussi qu'une meilleure coordination des troupes était nécessaire, tout comme des méthodes de communication mieux développées, une amélioration des équipements et des techniques d'assaut.

" The Duke of Wellington said the battle of Waterloo was won on the playing fields of Eton. I say that the battle of Normandy was won on the beaches of Dieppe."
Earl Mountbatten of Burma

4 commentaires:

Unknown a dit...

Dis moi ptite soeur, je crois comprendre que les chiffres qui délimite tes paragraphes c'est l'heure étant sous format 24h... mais pourquoi ne pas avoir mis disons 8h45 au lieu de 0845. C'est pcq ils se sentaient original dans le temps? ou simplement que tu ne trouvais pas le "h" sur ton clavier? :P

Peu importe, moi j'ai trouvé très interessante cette section d'histoire!

helene.. a dit...

Très bonne remarque!
petit frère, sâches que pour ajouter du piquant à mon récit et te faire écrire, mais aussi pour rester fidèle à l'aspect militaire de l'histoire,j'ai décidé d'utiliser les termes militaires. 0845 c'est militairement parlant, tout simplement. Un peu comme Jour-J et Heure-H!

Anonyme a dit...

Salut Hélène,

Intéressante citation à la fin. Son auteur, Lord Mountbatten, a souvent été présenté comme le principal responsable de l'échec de Dieppe. Dans un documentaire canadien, on laissait comprendre qu'il avait poussé ce "pet project" et s'était servi des velléités guerrières du haut commandement canadien, qui brûlait de prouver la valeur de ses troupes au combat. Il avait échoué lamentablement à obtenir le soutien des autres corps d'armée (marine, aviation). Probablement parce que les hauts gradés avaient une faible opinion du personnage et de ses idées.
Après cet échec, il a été envoyé sur le front pacifique, peut-être dans l'espoir qu'il ne causerait pas plus de dégâts. Il est mort quand l'IRA a fait sauter son bateau de plaisance en 1979.

Christian

Anonyme a dit...

Salut Hélène!

On dirait que tu te bidonnes bien sur le vieux continent! Ca me rapelle une bonne blague.

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C'est Dieu qui crée la terre, le ciel, l'eau, etc pendant les premier jours de la création. Le cinquième jour, il crée les pays, mais s'attarde à un pays en particulier. Un pays qui, par son dur labeur, deviendra le plus merveilleux de tous. On y trouve les meilleurs vignobles du monde, des plages à faire rever (les monokinis surtout), les Alpes aux paysages extraordinaires et une capitale digne d'illuminer la planète entière.

Le soir venu, Dieu se sent un peu cheap d'avoir travaillé autant sur la France, tandis que les autres pays, ne tenaient pas vraiment la comparaison. Il se couche donc en espérant que la nuit porte conseil. Le lendemand, lorsque le temps de créer l'Homme et la Femme était venu, il trouva enfin l'idée pour rétablir l'équilibre... les Français!

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Bon, ca me fait un plaisir de te lire et je suis vraiment content pour toi que tu vives toutes ces aventures. De mon coté, j'ai finalement décidé de partir 4 mois a Boston cet automne, et mon projet traine de la patte.. Je compte donc sur ton retour et notre petite gang de motivé du BCPS pour voir si y'a possibilité de monter quelque chose qui se tienne!

Prends soin de toi, et continue de nous donner des nouvelles par ton blogue. (Mais passe pas trop de temps à nous compter ta vie, ca va finir par m'inquiéter! hehe)

Pierre
xx

 

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